Du dépistage à l’accompagnement, le modèle « Ni Abacu » démontre qu’une approche communautaire structurée peut freiner l’ascension des maladies chroniques au Burundi.

Karuzi, décembre 2021 – Dans les collines poussiéreuses du district sanitaire de Buhiga, un groupe de soignants s’affaire autour d’un colposcope flambant neuf. À quelques mètres, un bénévole prend la tension d’un cultivateur surpris par la facilité du geste. Cette scène marque l’acte I d’un programme pilote qui, en cinq étapes, veut donner aux Burundais les moyens de prévenir le diabète, l’hypertension et le cancer du col.

1. Mobiliser la communauté : le temps de la pédagogie

Du 17 au 29 décembre 2021, l’équipe du projet « Ni Abacu » sillonne Cirambo, Ntunda et Gitaramuka. Objectif : convaincre habitants et autorités que la prévention n’est pas un luxe mais une nécessité. Sous la conduite du Dr Louis Mujawamariya, chaque réunion insiste sur la réalité épidémiologique : 19 % d’hypertendus non détectés dans certaines collines, un fardeau silencieux qui étrangle les familles les plus pauvres.

2. Former les premiers répondants

Cancer du col : 18 professionnels reçoivent trois jours de théorie et de pratique (67 colposcopies) entre le 29 et le 31 décembre 2021.
Diabète/Hypertension : 35 soignants se familiarisent, du 12 au 14 janvier 2022, avec les protocoles OMS et repartent équipés de glucomètres et tensiomètres.

3. Passer au crible la population

Du 3 au 8 février 2022, les centres partenaires organisent un dépistage massif :

  • Diabète : 52 diagnostics confirmés sur 758 tests (7,1 %)
  • Hypertension : 143 hypertendus sur 740 mesures (19,3 %)
  • Cancer du col : 33 lésions précancéreuses pour 299 femmes examinées (12,7 %)

4. Sécuriser la prise en charge

Trente-huit femmes présentant une colposcopie anormale sont transférées à Bujumbura pour biopsie. Pour les patients hypertendus et diabétiques, le suivi médicamenteux reste le talon d’Achille : sans assurance, beaucoup peinent à acheter les comprimés indispensables.

5. Pérenniser et étendre

Une évaluation communautaire est prévue en mai 2022 ; le consortium espère décrocher 90 000 € pour couvrir 15 autres centres et ajouter un module « planification familiale ».

« Nous avons prouvé qu’avec 15 000 €, on peut sauver des vies et des finances familiales », insiste le Dr Mujawamariya, rappelant qu’une urgence hypertensive coûte souvent plus cher qu’un an de prévention.

Encadré – Le conseil clinique

Test VIA/VILI pour le col : chaque trois ans à partir de 25 ans.

Glycémie capillaire : dépister à jeun ≥1 fois/an dès 40 ans.

Tension artérielle : deux mesures à 5 minutes d’intervalle, bras au repos.


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